Quelles sont les clés pour réussir une surélévation ?

Beaucoup de personnes s’interrogent sur l’opportunité de surélever un immeuble.

Les promoteurs, de leur côté, cherchent les immeubles propices à la surélévation afin de proposer aux copropriétaires de racheter leur toit (par l’achat du droit de surélévation).

Un article du Figaro a récemment attiré mon attention en louant tous les avantages de la surélévation.

La surélévation a bien des avantages mais demeure une opération complexe, qui exige de la réflexion. 

Il faut garder en tête que la surélévation représente une opération coûteuse, d’autant qu’il est rare de pouvoir construire plus de deux niveaux.

En d’autres termes, il ne suffit pas de trouver une « dent creuse » pour pouvoir surélever. 

C’est pourquoi, à mon sens, la tentative de répertorier les immeubles à surélever en comparant simplement la hauteur d’une construction par rapport aux constructions voisines est vaine.

Toutefois, lorsqu’une surélévation est bien préparée, elle peut se révéler particulièrement intéressante pour toutes les parties prenantes.

Forte des dossiers de surélévation que j’ai pu suivre et que je suis actuellement, ainsi que d’une récente formation interprofessionnelle qui fut l’occasion de partager des expériences et des questionnements, je vous livre ici ce qui constitue, selon moi, les clés pour réussir une surélévation.

1/ Le B.A-BA : des règles d’urbanisme favorables

La première contrainte à considérer est d’ordre juridique.

La possibilité de surélever une dent creuse, ou une construction de manière générale, dépend entièrement des règles d’urbanisme applicables. 

Il s’agit donc de la première vérification à effectuer.

Contrairement aux apparences, cette analyse peut s’avérer, dans certains cas, plus compliquée qu’il n’y paraît, d’autant que les fameux « Plans locaux d’urbanisme », ou « PLU », des villes sont tous différents.

Si une règle de hauteur laisse penser qu’une surélévation est tout à fait possible, les règles d’implantation par rapport aux constructions voisines ou, par exemple, l’« épaisseur constructible » seront susceptibles de réduire considérablement les possibilités. De même, la proximité d’un monument historique risque de compliquer l’opération.

C’est pourquoi il est préférable de confier cette analyse à un avocat qui pratique le droit de l’urbanisme, pour éviter ensuite les mauvaises surprises auprès de la mairie.

De manière générale, il faut toujours impliquer les services de l’urbanisme de la mairie dans un projet de surélévation en les consultant en amont. Dans un certain nombre de cas, un avocat vous permettra de tirer profit de règles « floues » ou du jeu de certaines exceptions.

Dans un de mes dossiers de surélévation, nous avons dû rencontrer trois fois la mairie pour que le projet soit accepté. Sans de telles discussions, nous n’aurions jamais obtenu de permis de construire. 

Un avocat sera également attentif aux servitudes, en particulier aux servitudes de vue.

2/ L’essentiel : une opération rentable

La contrainte financière est forte car, malgré tous ses avantages, la surélévation coûte cher.

Je l’ai rappelé, une dent creuse ne suffit pas pour rendre l’opération rentable. Alors, quelles sont les caractéristiques à rechercher ? 

Rénover sous l’angle de la performance énergétique

La performance énergétique constitue aujourd’hui une grande boîte à outils pour obtenir des financements et profiter de niches fiscales.

Il s’agit donc d’allier performance énergétique et surélévation.

Concrètement, les immeubles vétustes sont de parfaites cibles pour entreprendre une surélévation du « haut » lorsque le « bas » fait l’objet de travaux de rénovation.

A cette fin, une copropriété réalise le plus souvent, en amont, un audit thermique. Certains audits sont d’ailleurs mis en place dans l’objectif d’obtenir des financements pour les travaux à venir.

La copropriété sort particulièrement gagnante d’une telle opération car non seulement la valeur de l’immeuble augmentera automatiquement, mais elle aura pu réaliser des travaux d’ampleur et nécessaires à la survie de l’immeuble à moindre coût. 

Un promoteur pourra en effet prendre à sa charge les assurances, les honoraires des bureaux d’étude ou encore les installations de chantier, comme les échafaudages. Or, ce surcoût souvent négligé finit par représenter jusqu’à 30 % du coût des travaux.

Créer de la surface de plancher en haut mais aussi en bas

Une autre solution consiste à trouver un immeuble à surélever mais dont la configuration ou bien le terrain permet de créer de la surface de plancher ailleurs qu’en « haut ». 

Il s’agit par exemple de racheter des parties communes pour créer des parties privatives, par exemple en créant un fonds de commerce au rez-de-chaussée. 

Il existe parfois des possibilités de construire un bâtiment en fond de cour.

Faire une « double » opération devient particulièrement intéressant car cela diminue fortement le risque financier.

Les travaux peuvent d’ailleurs être découpés en phases, de façon à commencer par les constructions « en bas » (avant la surélévation) qui pourront générer des recettes lors d’éventuelles ventes/locations, afin de soutenir l’opération de surélévation.

3/ La perle : un seul propriétaire ou la copropriété parfaite

L’un des nombreux obstacles à franchir est celui de la copropriété, lorsqu’il y en a une.

Il existe en effet des immeubles qui sont détenus par un seul propriétaire. Ces immeubles sont des « perles rares » puisque l’opération sera largement simplifiée. 

La majorité des surélévations a lieu dans des immeubles détenus par plusieurs propriétaires. 

Il faut alors privilégier les petites copropriétés, afin de faciliter l’adhésion de tous au projet et obtenir tous les votes nécessaires en assemblée générale.

La surélévation dans une grande copropriété n’est pas impossible mais le temps consacré à l’information des copropriétaires pour les convaincre sera souvent proportionné au nombre de copropriétaires. 

De ce point de vue, une grande copropriété familiale peut être beaucoup plus facile à gérer lorsqu’un seul membre de la famille a l’habitude de gérer la copropriété.

J’ai assisté récemment un promoteur qui avait négocié auprès des copropriétaires depuis quasiment trois ans, dans une très grande copropriété comprenant plusieurs bâtiments. Malgré trois ans d’information, il était impossible pour lui d’être certain d’obtenir les votes nécessaires jusqu’au jour de l’assemblée générale. Même si le gain espéré était évidemment très fort, ce genre d’opération ne peut être réservé qu’à des institutionnels ayant les reins solides…

4/ Le hic : investir dans la préparation du projet

Il existe un vrai « hic » à l’opération de surélévation, c’est l’investissement de départ en argent et en temps.

J’évalue à un montant compris entre 30.000 et 60.000 € cet investissement de départ qui permet de déterminer si l’opération est viable d’un point de vue global ; juridique, financier et technique.

En d’autres termes, ce montant peut correspondre à une perte nette si finalement l’opération ne s’avère pas viable.

Les études préalables dureront entre six mois et une année. S’y ajoute la campagne d’information auprès des copropriétaires qui varie selon la taille de la copropriété, comme je l’ai évoqué, jusqu’à l’obtention des premiers votes en assemblée générale.

Pour comprendre l’ensemble des problématiques en jeu, il suffit d’évoquer quels sont les professionnels qui doivent accompagner toute personne qui souhaite se lancer dans une surélévation.

5/ Le Graal : s’entourer d’une équipe dès le départ

Au-delà des contraintes juridique et financière, la clé de réussite d’une surélévation est de savoir se faire bien accompagner. 

La liste des professionnels dont vous allez avoir besoin vous paraîtra sûrement longue mais elle est en réalité essentielle pour assurer une opération rentable et efficace.

En effet, le sujet est assez complexe pour privilégier des acteurs qui connaissent la surélévation et sauront ainsi appréhender toutes les problématiques dès le départ.

Cette équipe se constitue d’un avocat, d’un architecte, de bureaux d’étude, d’un géomètre-expert, d’un notaire, d’un ingénieur financier.

Je reprends rapidement le rôle de chacun :

  • L’avocat, spécialisé en droit de l’urbanisme et en droit de la copropriété, commencera par déterminer si votre immeuble peut être surélevé, au regard des règles d’urbanisme applicables. Il s’agit évidemment d’un prérequis essentiel.
    L’avocat vous aidera, le cas échéant, à monter le projet à présenter en mairie (en amont d’une demande de permis de construire) et à discuter avec le service de l’urbanisme pour trouver des solutions aux contraintes imposées par le PLU.
    L’avocat vous guidera également pour analyser tous les enjeux liés à la copropriété : présenter le projet, négocier avec les copropriétaires, accompagner le syndic pour la préparation des assemblées générales.
    Un avocat, enfin, pourra vous aidera à coordonner les aspects techniques et le juridiques, tout en étant capable d’intégrer les contraintes financières.
  • L’architecte doit être capable d’évaluer rapidement la possibilité technique de surélever puis d’élaborer une proposition intelligente. Choisir un architecte qui connait le sujet de la surélévation vous fera gagner du temps, par le choix d’un principe de construction adapté à l’immeuble, des matériaux légers qui limitent les risques liés aux nouvelles charges créées ou encore en intégrant dès le départ un projet de rénovation énergétique. L’architecte se dirigera vers des bureaux d’étude qui connaissent le sujet, ce qui représente un gain précieux de temps et d’argent.
  • Les bureaux d’étude sont essentiels pour mener une étude thermique, une étude de sol et une étude de structure. Les bureaux d’étude qui ne connaissent pas la surélévation seront amenés à privilégier des réponses « trop » sécurisantes et limitatives, de surcroît dans des délais souvent longs compte tenu de la complexité du sujet.
  • Le géomètre-expert va constituer tous les futurs lots de copropriété et préparer la modification complète de la répartition des tantièmes et donc des charges de copropriété. Son travail ne se limite pas à la surélévation car cette opération donne souvent lieu à une « remise à plat » du règlement de copropriété, à des ventes de parties communes ou de parties privatives, à des changements de destination au sein de la copropriété. Le géomètre-expert doit donc être à l’aise avec des opérations complexes.
  • Le notaire va mener les ventes du droit de surélever ainsi que des parties communes s’il y en a. Il doit également être associé au projet dès le départ. 
  • L’ingénieur financier, enfin, est indispensable pour aller chercher tous les financements ou tous les avantages fiscaux liés à la performance énergétique.